Le Product Management et l’art complexe des arbitrages Produit

arbitrages difficiles du Product Management avec les parties prenantes

Le Product Management gère différents types de complexité. Chaque type de complexité amène son lot d’arbitrages difficiles. Ce quatrième article explore ce défi spécifique, dans le cadre d’une série décryptant les divers talents que le Product Management requiert.

Un premier article abordait l’étendue du spectre de compétences requis pour créer une valeur produit forte. L’enjeu est d’élaborer une vision globale avec la compréhension sensible des “détails” qui font la différence pour l’utilisateur.

Un second article zoomait sur l’implication des parties prenantes et l’anticipation du cycle de vie Produit, en intégrant les coûts au delà du Build, pour maximiser le ROI.

Enfin, un troisième article abordait un autre défi du Product Management pour concevoir le Produit : projeter les enjeux des parties prenantes, à divers horizons temporels. 

Cependant, un Product Manager requiert d’autres compétences. En effet, au-delà des défis quotidiens, les arbitrages délicats peuvent générer des tensions, voire des crises. 

En effet, le Product Manager est souvent confronté à des arbitrages Produit ardus.
Cette difficulté d’arbitrage peut être tout d’abord liée à la conception ou la réalisation du Produit lui-même. La complexité peut provenir de l’environnement : c’est alors le contexte Produit qui rend délicat les arbitrages.

C’est ce que développe ce quatrième article.

Les arbitrages complexes liés au Produit 

En premier lieu, la définition ou la réalisation du Produit lui-même implique des choix complexes.  

La difficulté la plus courante est de concilier des objectifs business Produit (et leurs impératifs de délai) avec des contraintes techniques contradictoires. Cela peut conduire à des choix court–termistes comme : 

  • Sacrifier (temporairement, croit-on) la qualité logicielle. L’objectif peut être de répondre à un besoin client urgent, ou même de dérouler la Roadmap. En effet, des imprévus sur le terrain ou des obstacles techniques peuvent ralentir la réalisation du projet, plaçant le Product Manager face à des choix délicats. Comment livrer à une date stratégique (Noël, un salon annuel) – tout en préservant la qualité et la valeur du produit ?  
  • Sacrifier (tout aussi temporairement) la cohérence Produit au fil des versions, pour répondre à des besoins clients spécifiques. Si ces customisations spécifiques s’empilent (généralement peu documentées), cela peut créer un résultat de type Frankenstein. 

Ces deux situations fréquentes créent de la dette (Produit ou technique). Cette situation de dette tend à s’installer : cela rendra ensuite le produit difficile à maintenir et à faire évoluer. 

Déjouer ces pièges nécessite une grande maitrise du rôle, un dialogue constant avec les parties prenantes, et un sens aigu des priorités, avec une grande résistance à la pression. Un prochain article zoome sur cet aspect. 

Les arbitrages Produit complexes liés au contexte organisationnel 

Une autre source fréquente de complexité, est celle impulsée, volontairement ou non, par les parties prenantes :

  • les sponsors (et donneurs d’ordre de la réalisation produit) ;
  • les divers contributeurs (par exemple les métiers  les représentants des utilisateurs).

C’est souvent une source de complexité importante dans les faits.

Ce contexte relationnel, organisationnel ou managérial ajoute une complexité additionnelle aux arbitrages Produit. Par exemple, le Product Manager peut se trouver à l’intersection d’intérêts antagonistes. Imaginons une direction marketing et une direction juridique : elles peuvent avoir des préoccupations et des priorités contradictoires pour un futur applicatif interne. 

Le sponsor attendra généralement du Product Manager qu’il parvienne à concilier tout ce qu’il souhaite retrouver dans le produit. Or, ce n’est pas si aisé. Cet important travail d’ajustement et de redécoupage peut conduire à faire de la dentelle. Parfois, même un Product Manager aguerri devra, in fine, demander à son sponsor des arbitrages, faute de pouvoir concilier des éléments trop divergents. 

Les arbitrages Produit complexifiés par l’environnement global

Cette complexité liée au contexte interne de l’entreprise se double de la complexité externe. Il s’agit de l’impact du contexte socio-économique : rythme d’innovation technologique ou d’usage, impacts de transformations réglementaires, sociales, etc.  Selon le secteur, le rythme des transformations est plus ou moins rapide.

Au-delà des cas évidents d’évolution du marché impactant potentiellement la définition Produit, d’autres facteurs peuvent avoir un impact. 

Nous avons fait l’expérience collective que des situations impensées peuvent faire irruption dans le réel. En effet, qui aurait prédit que des secteurs entiers des économies développées puissent être suspendus ?).  L’imprévu tend à devenir plus habituel.

Les facteurs externes ont des impacts de nature systémique. Cette imbrication, toujours plus étroite, de facteurs économiques, politiques, environnementaux et sociaux, complexifie le Product Management.

L’instabilité croissante (géopolitique, sociale, etc) crée des coups de théâtre et des ruptures, avec des impacts concrets. Par exemple, le résultat de l’élection américaine impacte le marché du véhicule électrique (cela devrait par exemple accentuer le protectionnisme américain, et par effet domino, aussi accroître la concurrence avec des véhicules chinois produits en Europe).

Le Product Manager, confronté à une définition Produit et à une trajectoire de réalisation idéale, doit donc décider d’intégrer (ou non) ces contraintes, opportunités et limites. Ces facteurs sont issus du réel (feedbacks utilisateur, etc.) et de l’évolution des scénarios. Et ces facteurs évoluent aussi au fur et à mesure qu’on avance dans réalisation du projet.  

La gestion du risque et l’exploration de différents scenarios permet évidemment une meilleure résilience dans une Roadmap Produit. Un prochain l’article développe la gestion de l’incertitude. 

Crédit photo : Magda Ehlers

Conclusion : le Product Management et les différents types de complexité

En conclusion, comme souvent dans l’Histoire, c’est dans les moments de crise que se révèle la valeur des personnes. Ainsi, la différence entre un produit presque réussi et un produit réussi tient parfois à quelques décisions clés en situation de crise. 

Ces moments clés révèlent l’atout que constitue un Product Manager capable, dans la tempête, de prendre la meilleure décision possible, sans céder à la panique, ni être aveuglé par le stress. 

Voilà pourquoi ce rôle requiert des professionnels très solides et suffisamment soutenus !  

Et dans votre entreprise, vos Product Managers sont-ils équipés pour faire face à ces moments critiques ? Et pour transformer ces défis en opportunités ? Maîtrisent-ils les outils utiles pour développer leur résilience et renforcer leurs compétences ? Ces ressources sont-elles en place pour transformer la crise en opportunité et garantir le succès de vos produits ?

Katia BRADTKE

Katia BRADTKE

“En théorie, il n'y a pas de différence entre la théorie et la pratique. Mais en pratique, il y en a une.” Yogi Berra

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