J’aimerais croire à un futur dans lequel les personnes vont plus s’attarder sur les valeurs, sur l’état d’esprit qui est nécessaire pour aller vers l’agilité plutôt que sur quelque chose de très froid et presque politisé.
Elie Théocari
C’est quoi l’agilité ?
C’est un sujet très vaste. L’agilité, c’est la capacité à s’ajuster, à changer, à pouvoir répondre aux changements de la société en général et également aux attentes des personnes pour lesquelles on construit les produits. Dans le cadre du développement logiciel, l’agilité c’est d’abord un mouvement qui met l’accent sur cela. Ce mouvement incite à construire un produit avec des livraisons régulières et de la valeur. Il est important de livrer un maximum de valeur et de qualité à nos utilisateurs. Il est tout aussi important de les mettre au centre de ce qu’on construit. Et de le faire avec des individus qui sont passionnés, motivés, et contents de faire ce qu’ils font. Donc l’agilité c’est d’abord un mouvement, un état d’esprit. Cela a ensuite été décliné en un certain nombre de principes et de méthodes.
Si vous ne savez pas ce qu’est l’agilité, c’est d’abord les individus et les interactions plus que les processus et les outils. C’est l’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan. C’est la collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle. Et enfin, c’est un logiciel opérationnel plus qu’une documentation exhaustive. C’est ce qu’on appelle le manifeste agile, les 4 valeurs de l’agilité, qui animent aujourd’hui ce qu’on retrouve derrière l’agilité.
Aujourd’hui il y a déjà des personnes, des organisations qui sont moins agiles mais qui tendent à l’être de plus en plus. Il y en d’autres qui le sont également mais qui n’avaient pas forcément mis un mot derrière ça.
Existe-t-il plusieurs agilités ?
En termes de valeurs et d’état d’esprit, je ne pense pas. Je pense qu’il y un certain nombre de concepts forts derrière l’agilité. C’est également le respect des personnes, que ce soit les utilisateurs ou les personnes qui construisent le produit. On parle également du fait de construire quelque chose de façon itérative, incrémentale sur une base régulière. Cet état d’esprit, il faut qu’il soit présent.
Ce n’est pas uniquement le fait d’avoir des sprints ou d’accrocher des post-its sur un mur qui va nous l’apporter. Aujourd’hui, on entend beaucoup parler d’agilité. On a l’impression que c’est un peu une mode, presqu’un argument politique, de dire : « nous, on est agiles, donc on est meilleurs ». Comme aujourd’hui il y a beaucoup d’entreprises qui disent, « nous on cherche un DevOps ». Ce sont en fait des termes qui sont beaucoup plus larges que ce pourquoi ils sont utilisés à ce jour.
Le projet SmartView, mesure de l’agilité ?
De plus en plus d’entreprises souhaitent un accompagnement autour de l’agilité. Le projet de mesure de transformation agile intervient dans ce contexte. Et l’agilité, ce n’est pas juste les pratiques mais également l’état d’esprit qu’il y a derrière. Nous intervenons auprès de ces entreprises pour les aider et les sensibiliser. On leur explique en quoi ça consiste et quels vont être les impacts sur leur mode de fonctionnement. Cela avant même de commencer à dire « on va mettre en place du Scrum ou du Kanban ». On n’est pas dans la prescription. On est là uniquement pour faire en sorte qu’elles fassent les meilleurs choix possibles.
Ainsi, une démarche de transformation agile, c’est une démarche de conduite du changement comme une autre. Je suis persuadé qu’il faut savoir se positionner, savoir où on est et vers quoi on ambitionne d’aller. Savoir où on est, c’est comme lorsqu’on utilise un GPS. Il va nous dire « vous êtes à cet endroit » sur la carte. Et savoir concrètement où on se trouve par rapport à notre ambition, c’est également un des enjeux de ce projet de mesure de la transformation agile.
Nous ne sommes pas en train de parler de mesurer par rapport à un concurrent ou à une entreprise. Ni par rapport à un état de l’art qui paraît assez indéfinissable. On est vraiment en train de mesurer ce qu’on est capable de faire aujourd’hui. Qu’est-ce qu’on est capable d’accomplir par rapport à certains indicateurs ? Par rapport à là où on veut aller ? C’est ça, le projet de mesure de transformation agile.
Le futur de l’agilité ?
Le futur de l’agilité aujourd’hui ? J’aimerais croire à un futur où les personnes vont plus s’attarder sur les valeurs, sur l’état d’esprit qui est nécessaire pour aller vers ce type d’approche plutôt que sur quelque chose de très froid et presque politisé. Ce n’est pas « on est agile parce que le fait d’être agile, ça va nous permettre d’attirer des investisseurs, ou parce que ça va nous permettre d’attirer des candidats ». Ça ne doit pas non plus permettre à un patron de division de montrer qu’il a le dessus sur les autres.
On est agile parce qu’aujourd’hui on cherche à construire une société qui est plus tournée vers l’humain, qui est plus tournée vers les autres. Que ce soit les personnes qui consomment nos produits ou que ce soit les personnes qui construisent les produits elles-mêmes.
Un conseil pour les investisseurs ?
Si je devais donner un conseil à un investisseur qui cherche à investir dans des entreprises agiles ? C’est déjà de bien se documenter sur ce qu’est l’agilité. À quoi le voit-on ? L’agilité, c’est un état d’esprit, des valeurs, des principes avant tout. Donc l’objectif est d’investir dans les entreprises qui ont vraiment cela dans leur ADN. Ce n’est pas le fait d’avoir mis en place des sprints, d’avoir un Scrum Master, etc. C’est le fait de se dire « je fais confiance à cette entreprise qui démontre des valeurs qui sont alignées avec ce que je recherche pour la société de demain ».
Des pièges à éviter ?
S’il y a des pièges à éviter dans le cadre de ce projet, c’est de faire porter le discours uniquement autour de l’indicateur en lui-même. Il y a des choses qu’on pourra mesurer pour permettre à une équipe, à une organisation de savoir où elle en est et vers quoi elle veut aller. On peut parler par exemple du lead time. C’est le délai entre le moment où une demande est émise et le moment où elle est mise à disposition des utilisateurs. Ce sont des choses qu’on peut très facilement compiler via la base de données qu’on va ressortir d’un outil comme Jira par exemple.
Par contre, il y d’autres indicateurs qui me paraissent également très importants. Parmi ceux-là, il y a la satisfaction des utilisateurs et la satisfaction des équipes qui construisent le produit. Un autre point qui me paraît important, c’est qu’il ne faut pas que cela devienne un outil de reporting pour les managers ou pour les dirigeants. Il faut que cela soit vraiment une démarche que l’équipe s’approprie. L’équipe souhaite progresser, souhaite être dans une démarche d’amélioration continue. On n’est pas en train de se dire qu’il y a un manager qui va venir regarder des résultats et dire à l’équipe : « Ça, ce n’est pas bien, vous avez une mauvaise note », etc.
Le but n’est pas de mettre une note à des gens, à des équipes. Le but, c’est vraiment que l’équipe puisse se dire : « d’accord, là on a telle information, on sait qu’on a besoin à chaque fois de 6 mois pour mettre une fonctionnalité en production ». Cela me paraît-il bien ? Veut-on s’améliorer ? Est-ce qu’on peut s’améliorer ? Et c’est sur cette base-là que SmartView sera là pour vous accompagner.
Interview de notre coach agile, Elie Théocari, réalisée en octobre 2020.